imaginons nos futurs

Mars 2051,

Depuis quelques mois de nouveaux arrivants résident dans les deux « climig houses » placées au dessus du toit de la maison de Léa. Ces deux climig houses ont été construites lors de l’opération Solid’air qui avait été initiée par la région il y a maintenant 4 ans. Cette opération avait pour but d’accueillir essentiellement des populations en transition venues des terres immergées du nord de l’Europe. De nombreux éléments de ports néerlandais furent acheminés dans la région et utilisés comme matière première quant à la réalisation de ces climig houses. Comme beaucoup d’habitants du hameau de Wez Macquart, Léa avait accepté de partager l’espace au dessus de son toit en échange d’un accès gratuit à l’eau potable.

Ceux qui avaient des jardins plus grands ont concédé, en plus d’une sur-toiture, une partie de leur jardin. Une compensation vivrière supplémentaire leur avait été attribuée. Si aujourd’hui la problématique d’accès à l’eau potable semble en partie résolue depuis la construction des canaux et barrages à désalinisation, il est tout de même important de garder en mémoire ce qu’il s’était passé lors de la révolte des eaux de 2041. Le coût de l’eau potable avait atteint de tels sommets, de part sa rareté (due à une forte salinisation des nappes phréatiques) et les spéculations abusives de grands groupes privés, que tout le monde se souvient encore aujourd’hui de ce soulèvement massif de millions de personnes qui aboutit à la création du fond Logikeko européen dont bénéficie encore aujourd’hui la région. Ce qui avait été vécu comme un traumatisme a ainsi permis de développer, à l’échelle européenne, un système d’entraide cohérent avec les ressources alimentaires et géologiques, les savoirs techniques et culturels et les possibilités d’accueil de chaque territoire.

C’est le fond Logikeko qui a permis de construire le canal des Weppes qui relie aujourd’hui Houplines à Hantay en connectant un certain nombre des becques de la région. Ce canal est un canal à double flux, puisqu’il transporte d’un coté de l’eau salée qui sert à la navigation et de l’autre de l’eau désalinisée récoltée à travers les différentes usines de pré-traitement des eaux. A Wez Macquart, on trouve d’ailleurs une de ces usines de désalinisation à osmose inverse au nord des marais salants de la Bleue. Suite à un décret spécial voté en 2042, ces usines doivent être obligatoirement enterrés sous des sortes de terrils entièrement couverts de parcs arborés permettant d’absorber une partie des émissions de CO2. Ces nouvelles topographies, appelées aussi colline-usine ou sponge moutain, ont ainsi pu développer, dans chaque territoire impacté, le développement de sports habituellement pratiqués dans les régions montagneuses.

Les deux climig houses de Léa ont une vue sur cette colline-usine et sur le marais salant de la Bleue. Léa est ravie de ce paysage inédit dans les Weppes et qui s’est créé en moins de dix ans devant ses yeux. Sur son transviewer, elle nous montre un film 5D en accéléré montrant les différentes étapes du chantier. Ce film, elle ne manque pas de le montrer à chaque nouvel arrivant. C’est la septième famille que Léa accueille sur son toit. Comme à chaque fois, Léa est investie d’une mission de guide et de tuteur territorial. Elle aide les nouveaux arrivants à s’intégrer au plus vite dans ce territoire de transition qu’est devenu Wez Macquart. « Mes climigs, enfin ceux qui passent sur mon toit, et bien tout le village les appellent les flamands rose ! Ça c’est parce qu’on a repeint nos deux maisons en rose. On les avait bricolées avec des éléments de grues, de buses et de barges récupérés à Rotterdam et à Anvers. Avec leurs grandes pattes, mes petites maisons sont comme perchées sur des échasses. »

C’est vrai qu’elles ont fières allures les maisons de Léa. La vue depuis le port de la Bleue est saisissante. Aux côtés des des deux climig houses de Léa, des dizaines d’autres climig houses, souvent très colorées elles aussi, parsèment la skyline du hameau déjà fortement animée par le passage régulier des capsules du skytran. Telles des abeilles en plein travail, ces capsules de transport à usages multiples entrent et sortent en continue du pôle multifonctions de l’Humanis Cardo. Du haut de ses 36 mètres, L’Humanis Cardo (en latin pivot humain) est surnommé le Rucher par les habitants de Wez Macquart.

Avant que le village de Wez Macquart ne devienne une commune nouvelle en 2036, trois communes se partageaient jadis le territoire du hameau : La chapelle d’Armentières au nord-ouest, Prémesques à l’Est et Ennetières en Weppes au Sud-ouest. Lorsque la MEL s’arrêta sur le choix du skytran pour la liaison rapide de Lille à Armentières, les trois communes établirent un compromis équitable insistant sur le fait que ce nouveau pôle devait impérativement se trouver au point de rencontre des territoires des trois communes. Ainsi se dressa l’Humanis Cardo, à l’aplomb d’un carrefour et à

cheval sur trois communes. Mais la gestion chaotique de ce lieu dès ses débuts, due principalement à des rivalités intercommunales, conduisit à l’érection en commune du hameau de Wez Macquart. L’Humanis Cardo, qui ne devait être qu’une gare et des bureaux relais, devient alors à la fois pôle multimodal, gare de marchandises, mairie, espace de co-working, et même lieu de production puisque les célèbres gaufres de Wez-Macquart sont produites au 8ème étage de cette tour des miracles.

C’est dans ce lieu, ce Rucher, que Jan et Helen, deux des flamands roses accueillis par Léa, vont compenser la communauté. Le temps de son séjour, Jan, qui est ingénieur en automatisme, va aider à la maintenance du système de débrayage des capsules du skytran tandis qu’Helen va intégrer l’équipe de production des gaufres de Wez Macquart. Jan est ravi de cette compensation et a hâte de se frotter aux différentes problématiques du skytran en milieu semi-rural : « L’exploitation du skytran sur cette ligne est un vrai challenge puisqu’il y a autant de marchandises que d’individus à transporter. On trouve même des cellules médicales et de transport animal dans les cellules d’urgence qui sont stockées dans le carrousel au dessus de la gare. Il faut être vigilant car certaines erreurs de débrayage peuvent entraîner un blocage partiel de cette ligne de transport ».