imaginons nos futurs

Juillet 2051,

Un parc en lieu et place de l’ancienne Grand’ Place de Lille !? Qui aurait cru cela possible il y a encore 20 ans ? Historiquement, les villes flamandes, comme Lille, étaient des villes minérales. C’est à dire des villes où les sols étaient entièrement pavés. À la suite de la crise de l’eau de 2029 et malgré les nombreuses critiques formulées pour préserver l’image historique de la ville flamande, le PULP (Plan d’Urgence Lille Poreuse) avait été voté de justesse. Et finalement, qui regrette vraiment aujourd’hui cette grande place minérale ?


« Au début, je n’ai pas trop compris pourquoi on a voulu transformer cette belle et grande place qui a fait jadis l’histoire de notre ville. Aujourd’hui, c’est vrai que ce parc est bien agréable. Il y fait frais l’été et le vent glacial de l’hiver ne se fait plus trop ressentir. » explique M. Gastain, retraité habitué du parc. « Mais par contre, je reste tout de même sceptique sur le choix de certaines sculptures que l’on trouve un peu partout dans ce parc »

Jouxtant le parc de la Déesse Verte, l’installation pérenne de la Grande Roue, qui n’illuminait jadis que nos fêtes de fin d’année, offre aujourd’hui une vue imprenable sur la ville. Suite à la transformation en speed-bar de la Grande Roue, la Bistroue est devenue un lieu emblématique de notre métropole. Il est à noter que la bière servie dans le sous-sol de la Bistroue est brassée sur place par les mouvements de la grande roue. « Après le dialogue engagé à la réouverture de l’ancien canal jusqu’au Delta Deûle et à la piétonnisation du centre-ville, nous avons poursuivi nos réflexions avec la reconversion de l’ensemble des parkings de la ville en parcs urbains. Les débats à l’époque se sont surtout cristallisés sur

l’ancienne Grand’Place de Lille aujourd’hui devenue le Parc de la Déesse Verte . » nous rappelle Mme Ivy Durand, ancienne maire de Lille du groupe Avenir Fertile.

Baptisant de son nom ce mini « Central Park », la Déesse Verte s’élève au cœur de ce lieu. À la création du parc, la question d’intégrer l’ancienne colonne inaugurée en 1845 au milieu de l’ancienne Grand’Place posa question. « Il fallait un autre symbole. Tout aussi féminin, mais en accord avec nos enjeux contemporains. Maintenant elle trône dans son pavillon situé tout en haut de la grande roche qui est devenue le lieu de rendez-vous préféré des Lillois.» nous explique Mme Cordonnier adjointe à la culture de la Ville de Lille.

« Notre idée était de concevoir un lieu-symbole à l’image de la Grand’Place, mais revisitée et incarnant le changement. Pour s’adapter aux nouvelles conditions climatiques, on a imaginé un véritable écrin de verdure qui évolue au gré des saisons. Ces espaces de nature permettent aux habitants, comme aux visiteurs, de se retrouver quand le temps est clément. Ils jouent le rôle de zones de tamponnements des eaux diluviennes en se transformant en une myriade de mirois d’eau dans lesquels se reflètent les différentes sculptures issues des événements Lille 3000 depuis 50 ans.» se rappelle le paysagiste concepteur du parc Pierre de Groodt.

Le long des bâtiments du Théâtre et de la Voix du Nord, une haute toiture de verre et de métal provenant d’anciens bateaux de croisière protège les passants des phénomènes météorologiques extrêmes devenus de plus en plus fréquent. Elle permet de capter l’énergie solaire, mais également de récupérer les eaux de pluies diluviennes qui sont ensuite stockées dans le réseau de bassins de rétention à ciel ouvert de la ville. Suspendues à la structure de cette verrière, de nombreuses coursives et terrasses se développent à différents niveaux.

Depuis la métamorphose de la Grand’Place en parc urbain, les bars et restaurants de la Place Rihour ont créé un épicentre urbain inédit à l’abri des intempéries.

« Suite aux sécheresses à répétition, il a fallu impérativement étayer un nombre conséquent de bâtiments. Soyons honnêtes, la fonction première de cette rue couverte était de conserver le patrimoine lillois. Mais, la superposition des espaces publics, nous a redonné accès à des surfaces sous-exploitées aux étages

comme en cœur d’îlot. Nous avons pu ainsi proposer une nouvelle offre de logements accessibles et adaptée aux familles qui avaient déserté le centre-ville.» analyse Mourad Benmouffok, urbaniste en chef de la ville de Lille. « Par ailleurs, le déplacement des flux induit par cette nouvelle mise en réseau des places urbaines a permis de proposer de nouveaux usages au sol, comme par exemple la transformation de la Grand’Place ou bien encore celle du RDC du BOA .»

Côté Rihour, l’étendue végétale le long du palais est le lieu des fins gourmets. Ici, on vient profiter de l’ambiance festive ou encore goûter en plein air l’incontournable fricadelle d’insectes proposée par les Food-Abacus et qui a fait la renommée culinaire et touristique du lieu. Cette immense place se prolonge à l’intérieur du RDC de l’ancien Printemps et accueille une multitude d’événements différents. Chaque soir, on y trouve un marché de producteurs locaux accueillant entre autres les stands des deux fermes urbaines du Palais construites au dessus du BOA.

À la fin de l’hyper consommation, l’ancien Printemps devient le BOA (acronyme de Bâtiment pour Ouvriers Artisans), ruche d’artisans permettant de mettre en commun surfaces de vente éphémères et outils de production. Son RDC, devenu espace public, permet à tous de profiter d’un climat tempéré tout au long de l’année au milieu d’un jardin vertical luxuriant. «Pour permettre une régulation thermique du lieu, des wallers (ndlr murets thermiques) contiennent de l’eau de pluie captée par nos cratères de toiture et régulée par une centrale géothermique. Ces wallers permettent aussi d’alimenter les diverses plantations réparties sur les différents niveaux du BOA. On a toujours

une température agréable tout en étant est très loin des consommations énergétiques démentielles qui nous avaient effrayées au moment de l’acquisition des lieux.» explique fièrement Josy Ferret, une des fondatrices du BOA.

Traversées par le ballet des Abacus, les étranges arches organiques du BOA viennent prolonger le jardin intérieur le long de la façade donnant sur la rue Nationale. « Lors du référendum citoyen de 2027, les Lillois avaient réclamé encore plus d’espaces naturels. Mais il aura fallu attendre plus d’une décennie afin de concrétiser leur volonté légitime et notamment réfléchir avec les commerçants

pour leur offrir des solutions logistiques cohérentes avec les plans de décarbonation votés. » nous précise Mme Ivy Durand. L’arrivée du mini-tram électrique Abacus, auto-débrayable et entièrement géré par l’intelligence artificielle Lilia, a offert une solution de transport multi-usages bien plus adaptée pour l’hyper-centre que le skytran qui dessert le reste de la MEB. C’est ainsi que le dernier sous-sol de l’ancien parking de la Grand’Place a été reconverti en plate-forme logistique pouvant accueillir près d’une cinquantaine d’Abacus dédiée au dispatche des livraisons des différents commerces du centre-ville.

Depuis la toiture du BOA, se glissant entre les deux fermes urbaines du Palais, une passerelle en nuage de bois conduit à Babel Wet. Babel, la nouvelle née, est un haut lieu d’échanges interculturels des Hauts de France. Chapeautée d’une immense éolienne, la tour de Babel Wet baigne dans un bassin de rétention d’eau à ciel ouvert connecté à l’ancien cours de la Deûle. De nombreux lieux de vie viennent ponctuer les alcôves du bas-iceberg: restaurants, bars, lieux de coworking gratuits, librairies… Les niveaux supérieurs accueillent des logements pour des familles, des personnes âgées, des étudiants ou des gens de passage. Suivant certaines compensations citoyennes, des espaces communs à chaque étage (cuisine, buanderie,…) deviennent les lieux d’échanges et d’entraides intergénérationnels d’une rare qualité. Ce brassage de vie se retrouve également sur le pont supérieur, venant ainsi profiter d’une vue imprenable sur cette nouvelle canopée qu’offre la ville.